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L’avenue Istiklal, le cœur d’Istanbul

Imaginez une artère semi-piétonne, longue d’un peu plus d’un kilomètre, qui relie la place Taksim au quartier de la tour Galata. Véritable poumon de la ville, c’est 24 heures sur 24 que les habitants d’Istanbul se donnent rendez-vous pour déambuler sans cesse jusqu’au bout de la nuit.

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Photo Fliflounette

Un monde fou !

Les agoraphobes ne seront pas franchement à l’aise sur Istiklal, car déjà, pour les non-citadins que nous sommes, le premier contact nous a heurté. Le nombre de personnes qui parcourent l’avenue chaque jour doit se compter en milliers. De 8h le matin jusqu’au bout de la nuit, des familles, des travailleurs, des jeunes et des moins jeunes battent le pavé.

Ce qui frappe sur Istiklal outre le nombre de passants, c’est la diversité. Diversité des milieux sociaux : les classes populaires se mélangent aux classes plus aisées même si on peut observer un regroupement de ces dernières plutôt au sud de l’avenue. Les jeunes se mêlent aux parents et grands-parents, les femmes sont voilées ou non, les homosexuels hommes et femmes s’affichent, les travestis investissent également l’avenue aux heures tardives. Il semble régner un certain climat de liberté sur cette avenue même si on sait que la réalité politique est toute autre.

Après avoir observé, lançons-nous ! Dans un sens comme dans l’autre, c’est comme en kayak, il faut lire la rivière avant de s’insérer dans le courant. Mais une fois embarqués dans le mouvement, il n’y a plus qu’à se laisser porter et enivrer par l’ambiance de l’avenue qui ne dort jamais.

Istiklal, une ambiance

L’avenue Istiklal c’est avant tout une immense rue commerçante : des magasins de vêtements, de grandes enseignes d’articles de sport ou de luxe, des librairies, des disquaires, d’innombrables cafés, snacks, bars à narguilé, des petits restaurants, des pâtissiers, des glaciers qui restent ouverts jusque tard dans la nuit.

Le soir, les boîtes de nuit crachent leur musique jusqu’au petit matin, toutes fenêtres ouvertes. Ces clubs sont installés dans les étages des immeubles qui bordent l’avenue, à quelques dizaines de mètres les uns des autres, ce qui fait que si on se trouve à un endroit bien précis de l’avenue, on aura simultanément dans les oreilles du Shakira, de la pop ou de la dance turque et de la variété mondiale. Chaque établissement est soigneusement gardé par des physionomistes à oreillette qui ont l’œil, et l’oreille, partout !

Dans le bas de l’avenue, vers Galata, on trouve un florilège de boutiques à touristes mais aussi une zone exclusivement consacrée à l’univers de la musique. Les instruments trônent dans les vitrines : oûds, derboukas, violons, guitares, et flûtes soufies qui sont essayés avant d’être achetés, pour le plus grand bonheur des passants mélomanes.

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Le petit tramway qui relie le Tünel, au pied du quartier de Beyöglu, à la place Taksim par l’avenue Istiklal
Photo Toto Caribo
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Photo Fliflounette

Les instruments traditionnels connaissent un franc succès, en témoigne le nombre impressionnant de petits groupes qui se produisent chaque jour sur l’avenue. Istiklal est une immense scène musicale : du matin au soir, des musiciens et chanteurs partagent leur passion dans des styles qui vont du jazz à la variété, en passant par la musique traditionnelle et le rock métal.

A Istanbul, on ne se contente pas de regarder le spectacle à distance respectable, on participe et les artistes savent communier avec le public. Chants traditionnels ou populaires repris en chœur aussi bien par les hommes que par les femmes, danses spontanées qui réunissent de parfaits inconnus. Le spectacle est aussi dépaysant qu’émouvant.

Lieu d’expression artistique, l’avenue Istiklal accueille des galeries et des artistes de tous horizons. On se souviendra de ces deux Français, contrebasse et accordéon qui ont brillé au coin d’une rue avec leurs chansons en anglais, humoristiques à souhait, sachant jouer avec le public. Et l’apparition nocturne d’une danseuse avec ses multiples hula hoops, accompagnée par un envoûtant joueur de oud… Il est difficile de quitter l’avenue tant ces petits spectacles spontanés participent à la magie de la vie istanbuliote.

Istiklal, c’est aussi le lieu de la protestation anti-Erdogan, le Premier Ministre du gouvernement turc. Des manifestations émergent ici et parfois se terminent en affrontement avec les forces de l’ordre. Au cours de notre séjour, une manifestation particulièrement violente a eu lieu sur cette avenue. Le lendemain, toute trace des échauffourées avait disparu. En journée, seule reste une importante présence policière.

Dans un autre registre, lorsque le club de football de Galatasaray joue, ce sont des manifestations beaucoup plus joyeuses qui ont lieu dans toute l’avenue, comme ce fameux soir du 17 septembre, quand les Sang et Or recevaient le Real Madrid. Les drapeaux et les chants s’ajoutent aux commentaires diffusés dans les bars et restaurants sur de grands écrans de télévision.

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Flot de supporters sang et or (à gauche) qui s’engouffrent dans le métro, place Taksim, pour assister à la rencontre entre le Galatasaray et le Real Madrid.
Photo Fliflounette

Les abords d’Istiklal, un effet Cannebière

Si l’on veut fuir la foule pour se perdre dans les petites rues adjacentes à l’avenue Istiklal, c’est l’occasion de découvrir un monde parfois aux antipodes de ce qui se trame sur la grande artère.

Ainsi, au nord de l’avenue, on reste dans une ambiance populaire, dédiée aux rencontres : bars, restaurants de toutes qualités, grands hôtels, petites ruelles plus ou moins sombres. On peut tout aussi bien déboucher sur un bar lounge branché pour clientèle huppée que sur ce qui ressemble à des maisons closes où des femmes dénudées fument des cigarettes aux fenêtres en alpaguant la gente masculine.

Au sud, c’est plutôt résidentiel, moins bruyant et plus axé sur une ambiance douce et relaxante : petits restaurants aux menus bios, petits cafés cosy, bars à narguilés, kiosques à journaux, petits commerces. Le tout dans des petites ruelles étroites, ressemblant à un labyrinthe, qui finissent par rejoindre les rives du Bosphore. Dans cette partie de la ville, les résidences témoignent d’une population plus aisée.

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Les petites rues calmes au sud de l’avenue Istiklal
Photo Toto Caribo
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Photo Fliflounette

La médaille a un revers

Mais l’autre facette d’Istiklal, c’est la mendicité. Amplifié par le décalage entre le flot continu de passants et les positions statiques des mendiants, le phénomène est d’autant plus frappant qu’il met souvent en scène des enfants. Ici, une jeune fille infirme se déplace à 4 pattes au milieu de la foule. Ses pieds sont malformés, elle ne peut pas se tenir debout. Des tongs protègent ses mains et des pièces de caoutchouc sont ficelées sur ses genoux pour éviter qu’elle ne se blesse. Autour du cou, une petite boîte qui permet de récolter l’aumône.

Plus loin, deux enfants sont assis au centre de l’avenue : une fillette d’environ 6-7 ans tient entre ses jambes peut-être sa petite sœur, beaucoup plus jeune, presque bébé qui fait semblant de dormir, bras écartés sur les pavés. Certains soirs, sans doute un peu lassée de devoir « travailler » ainsi, elle joue avec une petite boîte de perles tandis que les jambes des passants manquent à tout moment de trébucher sur elle et sa petite sœur.

Au loin, une femme avec un enfant est assise par terre contre un mur et observe la scène du coin de l’œil, une vigilance protectrice ou de contrôle du travail bien fait ? Chaque soir nous retrouvons ces mêmes scènes et chaque fois nous sommes touchés par ce grand dénuement et tout ce que cela implique.

L’avenue Istiklal et ses contrastes est rapidement devenue un lieu incontournable pour chacune de nos journées, une façon pour nous de sentir battre le cœur de la ville et de nous en imprégner un peu plus.

Florence

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Thé & narguilé, un soir de foot, ambiance Istiklal.
Photo Toto Caribo

4 réflexions au sujet de “L’avenue Istiklal, le cœur d’Istanbul”

    1. Oui, Istanbul est une vraie jolie ville, chaque quartier ayant une identité propre et souvent, une architecture particulière. Alors que le quartier de Beyöglu a des airs européens, les îles Princes, elles, nous projetteraient presque à l’époque coloniale avec leurs maisons en bois. Tu es de quel côté en Asie ?

  1. Moi j’étais passé un peu à côté de l’avenue Istiklal. Son côté assez occidental avec toutes ces boutiques ne correspondait pas à l’image que je recherchais d’Istanbul. J’étais en route pour un long voyage et Istanbul était ma porte d’entrée vers l’Asie. Du coup, c’est idiot, j’en conviens, mais je cherchais autre chose, que j’ai trouvé dans d’autres quartiers. Car Istanbul est un régal évidemment.

    1. Effectivement, le côté occidental peut rebuter, car les boutiques ressemblent à celles qu’on peut trouver dans toutes les grandes villes européennes. Cependant, il y a une multitude de détails qui font que l’avenue Istiklal se distingue : petits vendeurs de tout et de rien, la façon de consommer, l’ambiance. De plus, lorsque nous y étions, les événements de Taksim étaient encore frais, et la présence policière dans cette avenue donnait une atmosphère un peu électrique. J’ai beaucoup aimé cette avenue car pour moi, c’est le coeur de la Turquie moderne qui bat ici.

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